Du 9 au 20 septembre
Une sage-femme ?
Depuis que nous sommes partis de Seattle il y a 6 semaines exactement, Irina n’a pas vu de docteur. A l’approche de la naissance, le temps est venu de chercher une sage-femme ou un docteur. Nous avons donc contacté plusieurs associations de sages-femmes à Los Angeles, près de Malibu Beach. Irina a organisé deux rendez-vous avec des sages-femmes d’associations différentes, qui assistent les accouchements à domicile.
Pourquoi ne pas accoucher sur la plage ou dans Johnny RV ? Nous nous demandons si des femmes ont déjà accouché dans un camping-car ou alors si nous serions les premiers :-). Le rêve ne dure pas longtemps. Le lendemain, nous vérifions si le coût des sages-femmes est couvert par l’assurance médicale d’Irina. Mais hélas l’assurance a ses propres installations médicales, elle ne rembourse pas d’autres frais. Le coût de l’assistance d’une sage-femme durant la grossesse et jusqu’à l’accouchement serait alors de 7.000 dollars. Mais comme Irina est enceinte de 31 semaines, les deux sages-femmes nous proposent une réduction de 2.000 dollars. Il resterait 5.000 dollars à notre charge pour 3 rendez-vous avant l’accouchement, l’accouchement et 3 rendez-vous après l’accouchement. Trop cher, nous avons dû renoncer à l’idée d’accoucher sur la plage ou dans Johnny RV avec une sage-femme indépendante.
Nous contactons l’assurance d’Irina et nous prenons un premier rendez-vous pour deux semaines plus tard dans un de leur hôpital. Deux heures après notre appel, Irina reçoit un coup de téléphone de l’assurance qui nous propose un rendez-vous en urgence le lendemain à 13:00 heures : la grossesse est trop avancée et l’âge d’Irina est un facteur de risque aggravant, il semble y avoir urgence…
Si notre expérience à l’hôpital s’avère agréable, nous prolongerons notre séjour à Malibu Beach ; sinon, nous respecterons notre plan initial d’accoucher à San Diego. Pourquoi San Diego ? Parce que c’est la ville la plus proche de la frontière avec le Mexique et nous pourrons continuer notre périple sans perdre de temps.
Plus de batterie…
Le lendemain matin, 2 heures avant de partir pour le rendez-vous à l’hôpital, nous allumons le contact de Johnny RV et… rien. Il n’y a plus de batterie dans le camping-car. Impossible de démarrer ! Nous sommes bloqués sur la plage à 2 heures de notre unique rendez-vous depuis le début du voyage ! Le concessionnaire nous avait pourtant assuré que ce type de véhicule ne pouvait pas tomber en rade de batterie ! Qu’il y avait une batterie pour le moteur, une autre pour la “maison”, et que si l’une se décharge, l’autre prend le relai ! Que faire ??? Irina va voir le professeur de surf qui commence sa journée : il possède un camion où il entrepose son matériel de surf et peut-être pourra-t’il nous aider ? Il nous confirme qu’il a bien les câbles pour recharger notre batterie mais, malheureusement, pas dans son camion. Le temps nécessaire pour aller chercher les câbles sera trop long et nous raterions notre rendez-vous. Damien cherche une alternative et va se balader sur le parking de la plage. Contrairement à l’expérience à Vancouver, cette fois-ci, il est chanceux : il trouve un pompier équipé de câbles qui nous aide à démarrer Johnny RV ! 🙂
À 13 heures nous arrivons à l’hôpital comme prévu.
Vaccin contre la grippe
Le chemin du parking à l’hôpital nous marque par le nombre impressionnant d’affiches pour le vaccin antigrippal. Chaque poteau est en effet placardé d’un message nous rappelant l’importance d’être vacciné si nous voulons survivre ! Ce n’est pas un bon signe pour Irina.
Nous vivons dans un monde où la peur prévaut ! Qu’il s’agisse de notre santé ou de notre nutrition, de notre éducation, de la communauté dans laquelle nous vivons ou de nos responsabilités quotidiennes, la peur nous paralyse, et encore plus en ce qui concerne nos enfants ! Nous vivons dans un monde agressif dans lequel la division de la société est tentée, entre ceux – minoritaires – qui font confiance à leur jugement, à leur instinct, et ceux qui sont soumis au système sans le questionner. Nous vivons dans un monde où les dialogues entre les personnes ayant des points de vue différents aboutissent souvent à des blessures et où des informations correctes perdent leur valeur et la peur prend le contrôle, la peur d’être différent !
Nous trouvons les affiches manipulatrices et agressives, elles sont partout dans le parking, dans la cour et à l’intérieur de l’hôpital, avec en plus des centres de vaccination tous les 100 mètres. Damien en profite pour raconter aux enfants l’histoire de Rhinocéros d’Eugène Ionesco : le totalitarisme était politique naguère, il est économique aujourd’hui…
A l’intérieur de l’hôpital
L’ambiance est moins anxiogène dans le hall de l’hôpital : il y a une personne qui joue du piano à queue pour accueillir les patients ! Nous n’avons jamais vu cela. Cela nous rappelle le Titanic, en train de couler, alors que les musiciens continuent de jouer pour réconforter les esprits dans leurs derniers moments…
Ce piano est toutefois un signe que l’hôpital fait preuve d’un peu d’empathie envers ses patients. Nous continuons vers le département obstétrie-gynécologie et nous rencontrons Jack, un chien d’assistance, qui réconforte lui aussi les patients.
Rendez-vous avec le personnel hospitalier
Et nous-y voilà : notre première rencontre avec le personnel de l’hôpital, l’infirmière et le docteur. Tout d’abord, Irina doit faire un test psychologique pour se rassurer qu’elle n’est pas dépressive 🙂 . Ensuite, elle doit répondre à une batterie de questions sur son passé médical. Puis elle fait une prise de sang et finalement nous voyons le docteur.
Ce docteur ne sourit pas, parle de façon laconique, ne demande rien en dehors de son protocole médical et ne donne aucune explication. Aucune chance de créer une relation entre nous, aucune chance de se connaitre un peu, afin de normaliser un peu le rapport. Ce docteur nous dit mécaniquement que le niveau de liquide amniotique est normal, que le rythme cardiaque est bon, et même si le bébé bouge tout le temps, il n’est pas assez actif à son avis, donc il faut le « monitoriser ».
Nous sommes expédiés dans une salle pour écouter le coeur du bébé pendant une heure. L’infirmière y est très inquiète car le bébé n’est pas suffisamment actif. Irina demande ce que cela veut dire, car le bébé, lui, il n’arrête pas de bouger, et c’est visible de l’exterieur ! L’infirmière répond sèchement qu’ils ont besoin de voir plus d’activité de la part du bébé sur le monitoring. Évidemment, Irina demande : « et si nous n’arrivons pas à “réveiller” le bébé pour les satisfaire, qu’est-ce-qui va se passer ? ». L’infirmière est visiblement “perdue” et répond : « Mes compétences s’arrêtent ici, je vous enverrai dans la salle d’accouchement.» Pour quoi faire ? Aucune réponse ! Au final, ils ont renvoyé Irina à la maison sans plus d’explications sur ce monitoring. Irina sait seulement qu’elle a maintenant deux rendez-vous par semaine à l’hôpital pour effectuer d’autres monitorings. Le fait qu’Irina se porte bien, qu’Emma bouge tout le temps, qu’il y a assez de liquide amniotique, que le rythme cardiaque de bébé est bon ne comptent pas. Il faut tout de même aller 2 fois par semaine à l’hôpital parce que c’est ce que le protocole et la technologie dictent !
La cerise sur le gâteau vient juste avant de quitter l’hôpital quand l’infirmière demande à Irina d’aller au rez-de-chaussée pour faire son vaccin antigrippal. L’infirmière est consternée : comment est-ce possible que nous ne voulions pas immuniser le bébé ?! Bien sûr que si, nous le souhaitons, mais naturellement, en allaitant, en offrant une immunisation douce, en respectant le corps du bébé qui fonctionne parfaitement en harmonie avec les lois naturelles si nous n’intervenons pas, en lui donnant la liberté de se découvrir et de découvrir son environnement. L’infirmière n’insiste pas ! 🙂
Derniers mots
C’est bien triste ! Nous vivons dans un monde dominé par la technologie et nous avons complètement perdu le lien avec ce que la nature devrait être. Nous avons surtout perdu le lien avec notre propre corps, et nous avons perdu le côté humain ! Ce n’est pas une surprise non plus que l’accouchement ne soit plus vu comme un processus physiologique. Tant que l’on aura peur de bouger hors du système, d’être différent, de perdre le contrôle, on aura peur de l’accouchement ! Donc il faut contrôler l’accouchement, et comment fait-on ? On intervient médicalement, les docteurs ne parlent plus aux patients, ils ne se basent que sur la technologie, et comme ça ils donne l’impression qu’il contrôlent chaque étape du travail de l’accouchement ! En fait, tout ce que les docteurs savent, c’est ce que la technologie et les machines leurs disent.
C’est clair qu’Irina ne va pas accoucher à Los Angeles dans cet hôpital. Le soir même, Irina prépare son plan de naissance : un document de 2 pages contenant tout ce que l’hôpital devra respecter avant, pendant et après l’accouchement. Ce document – normalement standard – est à signer par l’hôpital avant l’accouchement.
Nous décidons de rester dans la région quelques jours pour profiter encore un peu de la plage de Malibu. Nous tenterons ensuite le système médical à San Diego en espérant qu’il ne sera pas autant déshumanisé !